🌍 Une Martiniquaise pionnière de la conscience noire mondiale
Paulette Nardal (1896-1985) est une intellectuelle martiniquaise, traductrice, journaliste et femme de lettres, dont l’influence a été déterminante dans l’émergence de la conscience noire francophone au XXe siècle.
Pourtant, longtemps ignorée ou éclipsée par ses homologues masculins, elle est aujourd’hui reconnue comme l’une des figures fondatrices du mouvement de la Négritude, aux côtés de Césaire, Senghor et Damas – qu’elle a en partie inspirés et soutenus bien avant qu’ils ne prennent la plume.
🧠 Une éducation d’élite pour une femme de son temps
Née au sein d’une famille bourgeoise et cultivée de Fort-de-France, Paulette Nardal est la première femme noire martiniquaise à étudier à la Sorbonne, dans les années 1920. Dans un Paris encore marqué par le colonialisme et le racisme latent, elle découvre à la fois l’univers intellectuel européen et le sentiment d’exclusion que vivent les Africains et les Afro-descendants.
Avec sa sœur Jeanne, elle fonde un salon littéraire dans leur appartement de Clamart. Ce lieu devient très vite un centre névralgique de rencontres pour les étudiants africains, caribéens, américains, haïtiens, et les penseurs noirs de l’époque. Parmi eux : Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, Aimé Césaire, mais aussi Claude McKay, écrivain phare de la Harlem Renaissance.
🗞️ La Revue du Monde Noir : acte fondateur
En 1931, Paulette et Jeanne Nardal créent La Revue du Monde Noir, une revue bilingue (français/anglais) qui célèbre les cultures noires dans leur diversité – Afrique, Caraïbes, Amérique. C’est la première publication francophone à poser les bases d’une identité noire globale et positive.
La revue promeut une solidarité panafricaine, et défend l’idée que les peuples noirs doivent se réapproprier leur histoire, leur culture et leur dignité. Elle est donc une préfiguration du mouvement de la Négritude, qui émergera quelques années plus tard.
✍️ La véritable autrice de la Négritude ?
Si le mot "négritude" a été popularisé par Césaire à partir de 1935, l'idée même de valorisation de l'identité noire, de rejet du complexe d’infériorité coloniale, de fraternité noire transnationale a été pensée, formulée et portée par Paulette Nardal plusieurs années auparavant.
Senghor lui-même la reconnaîtra comme l'une des inspiratrices du mouvement. Pourtant, elle n’est jamais citée comme cofondatrice, souvent réduite au rôle de “muse” ou de “passeuse”.
👉 En réalité, Paulette Nardal est l’architecte invisible de la négritude : elle a semé les idées, réuni les esprits, transmis les luttes. Une autrice sans reconnaissance, victime d’un double effacement : en tant que femme et en tant qu’intellectuelle noire dans un monde dominé par les hommes.
⛪ Engagement chrétien et féministe
Profondément croyante, Paulette milite aussi dans les cercles catholiques et féminins. Elle crée la Ligue féminine d’action sociale en Martinique dans les années 40, un mouvement pionnier qui milite pour les droits des femmes noires, l'éducation, la citoyenneté et l’émancipation.
Après un grave accident de la circulation, elle reste partiellement paralysée, mais continue son engagement depuis Fort-de-France. Elle écrit, enseigne, forme et inspire.
🕊️ Hommages tardifs mais puissants
🔹 En 2023, un timbre à son effigie est émis par La Poste française.
🔹 En 2024, à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, Paulette Nardal figure parmi les portraits géants exposés sur la façade du Panthéon, aux côtés d’autres grandes figures féminines.
📚 Sources :
Yolande Helm, Paulette Nardal et les origines de la Négritude, Présence Africaine, 1985.
Anne Cillon Perrié, La Négritude avant la Négritude : les sœurs Nardal, dans Esprit, 2007.
Emmanuelle Saada, Les figures oubliées du Panthéon noir, conférence EHESS, 2022.
CNRS – Histoire, Dossier "Paulette Nardal, pionnière de la conscience noire", 2023.
France Culture, émission "Les grandes oubliées – Paulette Nardal", janvier 2024.
Comité Paris 2024, dossier de presse sur les figures féminines honorées (juin 2024).














