Une crise diplomatique autour des brigades médicales cubaines
Depuis mars 2025, les tensions entre les États-Unis et plusieurs pays de la Caraïbe se sont intensifiées autour d’un sujet sensible : la coopération médicale avec Cuba. À l’origine de cette crise, une décision américaine menaçant de révoquer les visas des responsables politiques des pays qui acceptent sur leur territoire les brigades médicales cubaines.
Washington accuse le gouvernement cubain d’exploiter ses propres médecins à l’étranger, qualifiant ces programmes d’esclavage moderne ou de travail forcé. Mais pour les pays caribéens, cette coopération médicale représente une bouée de sauvetage pour des systèmes de santé déjà fragiles.
Des missions vitales… et controversées
Les missions médicales cubaines ne datent pas d’hier. Actives depuis les années 1960, sous l’impulsion de Fidel Castro, elles sont devenues un pilier de la diplomatie cubaine. En 2020, plus de 50 000 professionnels de santé cubains opéraient dans une cinquantaine de pays, générant entre 6 et 8 milliards de dollars par an pour l’économie cubaine – une manne qui dépasse les recettes du tourisme et les transferts de la diaspora (source : ElPais.com).
Mais les États-Unis, sous l’impulsion de l’administration Trump puis renforcée en 2025 par le département d’État dirigé par Marco Rubio, dénoncent une politique qui prive les citoyens cubains de soins de qualité et enrichit le régime de La Havane, tout en restreignant les libertés individuelles des médecins.
Une réaction immédiate dans la Caraïbe
Face à cette politique jugée coercitive et paternaliste, plusieurs pays caribéens ont immédiatement réagi :
Jamaïque : La ministre des Affaires étrangères Kamina Johnson Smith a défendu la présence de plus de 400 médecins cubains dans le pays, soulignant leur rôle vital, notamment dans les zones rurales.
Trinité-et-Tobago : Le Premier ministre Keith Rowley a fermement rejeté la pression américaine, rappelant que son gouvernement choisit ses partenariats médicaux selon les besoins de sa population.
Saint-Vincent-et-les-Grenadines : Le Premier ministre Ralph Gonsalves a été encore plus tranchant, déclarant publiquement qu’il était prêt à renoncer à son visa américain plutôt que d’abandonner la coopération avec Cuba.
CARICOM : La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a exprimé une solidarité régionale avec Cuba, dénonçant l’ingérence des États-Unis dans des accords bilatéraux de santé jugés indispensables.
Les Bahamas suspendent les infirmiers cubains
Toutefois, le 20 juin 2025, un événement est venu fissurer ce front uni. Le gouvernement des Bahamas a annoncé la suspension du programme d’infirmiers cubains, évoquant des « préoccupations administratives et juridiques » liées aux récentes menaces américaines (source : Reuters.com).
Cette décision, saluée discrètement à Washington, marque un tournant : les pressions américaines commencent à produire des effets. Mais elles pourraient aussi exacerber les inégalités de soins dans un pays où les ressources médicales sont déjà sous tension.
Un enjeu humanitaire et géopolitique
La controverse dépasse le simple cadre sanitaire. Elle s’inscrit dans une lutte d’influence plus large entre Washington et La Havane, dans une région historiquement sensible aux politiques de domination. Pour nombre de gouvernements caribéens, les médecins cubains sont bien plus que des professionnels de santé : ils incarnent la solidarité sud-sud, la coopération entre nations en développement, face à l’hégémonie du Nord.
En Haïti, après le séisme de 2010, ce sont les brigades cubaines qui ont pris en charge les premiers soins d’urgence. Pendant la pandémie de COVID-19, plusieurs pays insulaires ont pu bénéficier de leur expertise, parfois en l’absence totale d'autres partenaires.
Cuba dénonce un chantage
Cuba, de son côté, qualifie cette politique américaine de mensongère et hypocrite, accusant Washington de vouloir saboter un système humanitaire reconnu internationalement. Le ministère cubain des Affaires étrangères a déclaré que les sanctions américaines "nuisaient à des millions de patients dans le monde pour des raisons purement idéologiques".
Alors que les États-Unis poursuivent leur politique de "tolérance zéro" vis-à-vis des brigades médicales cubaines, les pays caribéens se retrouvent face à un dilemme : céder à la pression de Washington ou défendre leur souveraineté sanitaire.
La Jamaïque, Trinité-et-Tobago et Saint-Vincent-et-les-Grenadines ont clairement fait leur choix. Mais la suspension bahaméenne pourrait annoncer une nouvelle phase, où chaque pays devra peser le coût politique et humain d’un tel partenariat.
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