Une première dans la Caraïbe ? La Dominique sur le point de devenir énergétiquement indépendante
En 2026, la Dominique pourrait entrer dans l’histoire et devenir la première île de la Caraïbe à atteindre une quasi-indépendance énergétique. Une perspective longtemps jugée utopique pour ce petit État insulaire, mais qui prend aujourd’hui une forme très concrète dans les hauteurs luxuriantes de Laudat, au cœur de la vallée volcanique de l’île.
Nichée entre sources chaudes, fumerolles et reliefs escarpés, la première centrale géothermique dominicaine touche à sa phase décisive. Selon les autorités, elle devrait commencer à injecter une électricité propre, stable et surtout moins chère dès mars 2026. Une échéance symbolique qui pourrait redessiner durablement le quotidien des Dominicains, mais aussi inspirer l’ensemble du bassin caribéen.
Laudat : là où la nature devient énergie
C’est dans cette région déjà connue pour son activité géothermique naturelle que la Dominique a choisi de bâtir sa transition énergétique. Le Premier ministre Roosevelt Skerrit s’est récemment rendu sur le chantier pour constater l’avancée des travaux. Le constat est sans équivoque : malgré la complexité technique liée au relief volcanique, le projet avance conformément au calendrier.
La centrale, développée par la Dominica Geothermal Development Company Limited (DGDC), entreprise publique dédiée, affichera une capacité installée de 10 mégawatts, répartie en deux unités de 5 MW. À terme, elle devrait alimenter près de 23 000 foyers, soit une part majeure de la demande électrique nationale.
Pour la Dominique, peuplée d’environ 70 000 habitants, il s’agit d’un véritable tournant historique : produire localement la majorité de son électricité et sortir, enfin, de la dépendance aux générateurs diesel.
Rompre avec le diesel, soulager la population
Jusqu’ici, l’électricité dominicaine repose presque exclusivement sur le fioul importé. Un modèle coûteux, polluant et extrêmement vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux. À la différence de territoires comme la Guadeloupe, la Dominique ne bénéficie pas de mécanismes de péréquation tarifaire : les variations du prix du pétrole se répercutent directement sur les factures.
La géothermie change la donne. En fournissant une énergie locale et continue, elle doit permettre une baisse significative du coût de l’électricité, améliorant le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Pour une économie insulaire fragile, cet allègement représente bien plus qu’un gain financier : c’est un levier de développement.
Cap sur 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2030
Au-delà de Laudat, c’est toute la stratégie énergétique nationale qui se réinvente. Le gouvernement ambitionne d’atteindre près de 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2030, faisant de la Dominique un pionnier mondial de la transition écologique à l’échelle d’un État.
« Nous construisons un pays plus résilient, plus autonome et plus juste », a déclaré Roosevelt Skerrit, le premier ministre de la Dominique. « Chaque kilowatt produit ici est un pas de plus vers un avenir où l’électricité sera plus accessible pour nos familles et nos entreprises. »
Surnommée depuis longtemps l’île nature, la Dominique dispose d’un potentiel géothermique exceptionnel. Située sur l’arc volcanique des Petites Antilles, son sous-sol figure parmi les plus prometteurs de toute la Caraïbe. Sources chaudes, geysers et fumerolles ne sont plus seulement des curiosités naturelles : ils deviennent une richesse stratégique.
Un projet structurant pour l’économie nationale
Dans sa première phase, il prévoit une capacité de 10 MW, avec une extension possible à 20–25 MW à moyen terme. Si ce scénario se concrétise, la géothermie pourrait couvrir jusqu’à 50 % des besoins électriques nationaux, réduisant de moitié la dépendance au fioul.
Ce chantier d’envergure bénéficie d’un soutien international massif : Banque mondiale, Banque européenne d’investissement, Agence française de développement, Union européenne, mais aussi plusieurs acteurs privés. Parmi eux figure Ormat Technologies, acteur majeur de la géothermie internationale et propriétaire majoritaire de la centrale de Bouillante en Guadeloupe.
Cette expertise est cruciale pour sécuriser les forages, fiabiliser les équipements et structurer un modèle d’exploitation pérenne. Mais elle soulève aussi, en filigrane, la question du partage des bénéfices.
Des bénéfices multiples attendus
Les retombées du projet vont bien au-delà de la seule production électrique.
Sur le plan économique, la Dominique réduira drastiquement ses importations de pétrole, améliorant sa balance commerciale et renforçant sa souveraineté énergétique.
Sur le plan social, le chantier mobilise de la main-d’œuvre locale et favorise le transfert de compétences vers des ingénieurs et techniciens dominicains, posant les bases d’une véritable expertise nationale en géothermie.
Sur le plan sectoriel, la chaleur géothermique pourrait irriguer d’autres domaines :
agriculture (serres, transformation agroalimentaire),
tourisme (spas, thermalisme, écotourisme),
et même, à plus long terme, l’exportation d’électricité verte vers des îles voisines comme la Guadeloupe ou la Martinique grâce à des interconnexions sous-marines.
Des risques bien réels
Ce pari énergétique reste cependant semé d’incertitudes.
L’investissement est massif : plus de 30 millions d’euros pour la première phase, principalement financés par des prêts et subventions internationales. Cette dépendance aux bailleurs soulève des enjeux d’endettement et de souveraineté décisionnelle.
La géothermie comporte aussi des risques techniques : un forage peut décevoir, un réservoir s’épuiser ou se révéler moins productif qu’anticipé. La viabilité du modèle dépendra d’une gestion rigoureuse et durable de la ressource.
La gouvernance est un autre point de vigilance. Si l’État affiche sa volonté de garder la maîtrise, l’expérience guadeloupéenne montre que la captation des bénéfices par des acteurs étrangers demeure un risque réel.
Enfin, la Dominique reste fortement exposée aux aléas climatiques. Le cyclone Maria, en 2017, avait ravagé une grande partie du réseau électrique. Les nouvelles infrastructures devront impérativement être conçues pour résister aux événements extrêmes qui frappent de plus en plus fréquemment la Caraïbe.
Une ambition régionale
Avec la géothermie comme pilier, la Dominique joue une carte audacieuse : celle de la souveraineté énergétique par la valorisation de son patrimoine naturel. Si le pari est réussi, l’île pourrait non seulement transformer le quotidien de sa population, mais aussi devenir un modèle régional, capable de montrer qu’une autre trajectoire énergétique est possible pour les petites îles caribéennes.




