Rhum Guadeloupe vs Rhum Martinique : les vraies différences enfin révélées
Alcool identitaire et fierté culturelle, le rhum est l’un des fleurons des Antilles françaises. Entre la Martinique, qui a très tôt structuré sa filière avec une AOC (1996), et la Guadeloupe, portée par une dynamique qualitative et créative, la comparaison est inévitable et la rivalité, bien réelle.
Une reconnaissance plus ancienne pour la Martinique
La Martinique a été précurseur. Très tôt, elle s’est positionnée sur le marché du rhum avant même qu’il devienne un alcool tendance. Ses distilleries ont développé une expertise dans les rhums vieux, cœur de gamme et moteur de réputation. On retrouve même des millésimes de 1885, preuve de cet ancrage ancien. Résultat : une meilleure diffusion en métropole et une image haut de gamme solidement installée.
Guadeloupe : diversité et créativité
La Guadeloupe a conservé une activité sucrière importante et produit à la fois des rhums agricoles et des rhums industriels (mélasse). Ses distilleries, souvent indépendantes (Damoiseau, Longueteau, Reimonenq, Bologne, Père Labat, etc.), revendiquent une liberté de création que l’AOC martiniquaise ne permet pas toujours. L’IGP (2015) y garantit la qualité tout en laissant davantage de latitude stylistique.
Profil gustatif : finesse vs caractère
Rhum martiniquais : réputé pour sa finesse aromatique, souvent floral, fruité et élégant. L’AOC tend à harmoniser et calibrer la production, donnant des rhums au style plus consensuel et raffiné.
Rhum guadeloupéen : souvent décrit comme plus brut, nerveux, corsé et sauvage. Certains rhums blancs agricoles, comme ceux de Longueteau ou Père Labat, sont particulièrement appréciés pour leur puissance et leur intensité herbacée.
La Guadeloupe conserve aussi une activité sucrière importante, notamment en Grande-Terre, et produit aussi bien du rhum agricole que du rhum industriel à base de mélasse. Cette diversité de styles est un atout pour séduire des publics variés.
Diffusion et image à l’international
La Martinique a une longueur d’avance, grâce à son AOC qui facilite la conquête de marchés exigeants comme le Japon, l’Europe ou les États-Unis. L’appellation agit comme un signe de reconnaissance et de confiance, à l’image des grands vins.
La Guadeloupe mise sur la force de ses marques indépendantes – Damoiseau, Reimonenq, Bologne, Longueteau, Père Labat – qui cultivent un patrimoine artisanal tout en innovant. Les distilleries guadeloupéennes sont devenues de véritables pôles touristiques, où tradition et modernité se rencontrent.
Rivalité ou complémentarité ?
Si les débats passionnés entre Antillais continuent d’animer les conversations – « tout le monde sait que les meilleurs rhums sont martiniquais ! » – la réalité est plus nuancée. Les deux îles ont bâti des savoir-faire uniques, qui contribuent à faire rayonner le rhum agricole dans le monde.
La Martinique incarne la rigueur, l’excellence normée et la notoriété internationale.
La Guadeloupe exprime la liberté, le caractère et la créativité.
Au final, comparer les deux revient à opposer deux styles complémentaires, aussi nécessaires l’un que l’autre à l’identité et au prestige des Antilles.
Le rôle décisif du contingentement : une rivalité née dans les chiffres
Au-delà des labels, la rivalité s’est aussi cristallisée autour d’un mécanisme clé : le système des contingentements, instauré dès 1922.
Un héritage historique. Pour protéger les spiritueux hexagonaux, la France limite alors l’entrée des rhums coloniaux en métropole et fixe des quotas qui avantagent la Martinique (80 000 hl) par rapport à la Guadeloupe (60 000 hl). Basée sur des références de production pendant la guerre, cette répartition a durablement désavantagé la Guadeloupe.
Le fonctionnement actuel.
Contingent économique : plafond d’environ 153 000 HAP (hectolitres d’alcool pur) exportables vers la métropole.
Contingent fiscal : volumes bénéficiant d’un tarif d’accise réduit (env. 950 €/HLAP en 2025).
Les quotas sont répartis entre DOM puis entre distilleries. La Martinique conserve la part la plus élevée (≈ 69 000 HAP), contre ≈ 55 000 HAP pour la Guadeloupe, ce qui influence visibilité commerciale et compétitivité. Une réforme récente a ajusté certains critères, mais le ressenti d’injustice demeure côté guadeloupéen.
Deux îles, deux voies d’excellence : AOC martiniquaise et IGP guadeloupéenne. L’une mise sur la rigueur et la constance, l’autre sur la liberté et la diversité. Leur concurrence — historique, économique et culturelle — tire la qualité vers le haut et nourrit la notoriété mondiale du rhum agricole des Antilles françaises.
Sources :
RCI – Les rhums guadeloupéens et martiniquais se valent-ils ? : https://rci.fm/guadeloupe/infos/Informations-pratiques/Les-rhums-guadeloupeens-et-martiniquais-se-valent-ils
INAO – Rhum de la Martinique (AOC) : https://www.inao.gouv.fr/produit/rhum-de-la-martinique-16194
Douanes – Régimes contingentaires du rhum traditionnel d’Outre-mer : https://www.douane.gouv.fr/fiche/regimes-contingentaires-du-rhum-traditionnel-doutre-mer
France-Antilles Martinique – Exportations de rhum : les équilibres du contingent sont maintenus : https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/economie/exportations-de-rhum-les-equilibres-du-contingent-sont-maintenus-1047841.php
Rumporter – Du contingentement à l’organisation de la filière rhum (1922–1938) : https://rumporter.com/du-contingentement-a-lorganisation-de-la-filiere-rhum-1922-1938/