đĄïž Pourquoi les Antilles dominent lâescrime française ? Un hĂ©ritage mĂ©connu mais puissant
Depuis prĂšs de 30 ans, les Antilles constituent le cĆur battant de lâescrime française. Câest un paradoxe aussi impressionnant que rĂ©vĂ©lateur : alors que les ultramarins ne reprĂ©sentent que 2 % des licenciĂ©s en escrime, ils ont remportĂ© 50 % des mĂ©dailles françaises ces vingt derniĂšres annĂ©es. Mieux encore, ils forment 30 % de lâĂ©quipe de France ! đ„đŽ
1ïžâŁ Une tradition de rĂ©sistance ancrĂ©e dans lâhistoire
Aux Antilles, lâescrime ne tombe pas du ciel. Elle sâinscrit dans une histoire de rĂ©sistance. Sous lâesclavage, les Africains rĂ©duits en servitude nâavaient pas le droit de porter les armes. Pourtant, ils cultivaient des formes de combat traditionnelles, parfois dissimulĂ©es sous forme de danses, comme le mayolĂš en Guadeloupe : une sorte dâescrime au bĂąton, rythmĂ©e par les tambours.
Ce savoir martial, prĂ©sent aussi en HaĂŻti (tire machĂšt) ou Ă Trinidad (Kalenda), symbolisait une rĂ©appropriation de leur dignitĂ©. đȘđż
2ïžâŁ Des figures noires de lâHistoire effacĂ©es⊠mais inspirantes
Lâescrime française doit aussi beaucoup Ă des figures oubliĂ©es de lâHistoire :
đ» Le Chevalier de Saint-George, nĂ© en Guadeloupe, Ă©tait Ă la fois compositeur et le plus grand escrimeur de son temps.
âïž Jean-Louis Michel, maĂźtre dâarmes nĂ© Ă Saint-Domingue, est considĂ©rĂ© comme la rĂ©fĂ©rence absolue du XIXe siĂšcle dans toute lâEurope.
đ Le GĂ©nĂ©ral Thomas-Alexandre Dumas, nĂ© Ă Saint-Domingue (HaĂŻti), fut le premier gĂ©nĂ©ral noir de lâarmĂ©e française, pĂšre de lâĂ©crivain des Trois Mousquetaires.
Ces hommes, porteurs de savoir-faire et de panache, ont Ă©tĂ© Ă©clipsĂ©s de lâHistoire officielle, mais continuent dâinspirer les escrimeurs antillais dâaujourdâhui. âđŸ
3ïžâŁ LâaccĂšs tardif aux clubs, mais une passion tenace
Longtemps, lâescrime est restĂ©e un sport aristocratique et Ă©litiste, peu accessible aux populations noires. Mais dĂšs les annĂ©es 1960-70, des pionniers changent la donne. En 1968, RenĂ© Gros-Dubois fonde le premier club dâescrime en Guadeloupe. Suivront RenĂ© MĂ©ril en Martinique, puis des figures comme GaĂ«tan Guillaume, Rudy Naejus (premier entraĂźneur antillais dâune Ă©quipe de France), et bien dâautres.
GrĂące Ă eux, lâescrime devient un vĂ©ritable vivier dâexcellence antillaise. đ
4ïžâŁ Le modĂšle Laura Flessel : lâeffet "GuĂȘpe"
đ En 1996, Laura Flessel, native de Pointe-Ă -Pitre, remporte deux mĂ©dailles dâor aux JO dâAtlanta. Sa fougue, son charisme et ses succĂšs crĂ©ent un choc dâinspiration dans toute la jeunesse antillaise.
Depuis, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane nâont cessĂ© de former des champions : Yannick Borel, Enzo Lefort, Jean-Michel Lucenay, Ulrich Robeiri, pour ne citer quâeux.
5ïžâŁ Une escrime symbolique : se battre avec les armes du "blanc"
Lâescrime est plus quâun sport pour de nombreux ultramarins : câest aussi un symbole de conquĂȘte sociale et identitaire. Investir une discipline historiquement rĂ©servĂ©e Ă lâĂ©lite blanche, câest revendiquer une Ă©galitĂ©, un droit Ă lâexcellence, et une maĂźtrise des codes dâun monde qui les a longtemps exclus. đŻ
Loin dâĂȘtre un simple hasard ou un phĂ©nomĂšne ponctuel, la suprĂ©matie antillaise dans lâescrime sâappuie sur un long hĂ©ritage : rĂ©sistance historique, hĂ©ritage martial africain, grands personnages mĂ©connus, et transmission intergĂ©nĂ©rationnelle. Une histoire qui mĂ©rite dâĂȘtre racontĂ©e, cĂ©lĂ©brĂ©e, et transmise aux jeunes gĂ©nĂ©rations.
đ Sources :
Caribbean Beat Magazine
France Escrime
Interviews de Enzo Lefort et Laura Flessel
Archives de lâINSEP
DonnĂ©es de la FĂ©dĂ©ration Française dâEscrime