Pourquoi la Guadeloupe et la Martinique seront parmi les départements les plus âgés de France en 2030
D’ici 2030, la Guadeloupe et la Martinique figureront parmi les départements les plus âgés de France. La transition démographique s’y produit à un rythme particulièrement rapide : les générations âgées vivent plus longtemps, tandis que les jeunes sont moins nombreux, en raison notamment de la baisse de la natalité et d’un exode durable vers l’Hexagone ou l’étranger.
Ce phénomène n’est pas nouveau : il s’inscrit dans une histoire longue de mobilité contrainte et d’ajustements socio-économiques complexes.
Un héritage migratoire qui pèse encore : du BUMIDOM à l’exode lié à l’emploi
Entre les années 1960 et 1980, la mise en place du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) a encouragé – parfois forcé – des dizaines de milliers de jeunes Guadeloupéens et Martiniquais à partir travailler en France hexagonale.
L’un des objectifs officiel était de lutter contre le chômage local et de reconstruire la France d’après guerre.
L’effet social, lui, fut profond : un déracinement massif, la rupture de familles et l’affaiblissement du renouvellement générationnel sur place.
Aujourd’hui, même si le BUMIDOM a disparu, la logique migratoire continue sous d’autres formes.
Les jeunes quittent majoritairement l’archipel pour :
Poursuivre des études supérieures (faible présence d’universités spécialisées et de grandes écoles localement)
Accéder à un marché du travail plus large et mieux rémunéré
Se projeter dans des parcours professionnels jugés impossibles sur place
La difficulté d’accès à l’emploi, la faible diversification économique et un coût de la vie élevé continuent d’alimenter ce départ.
Résultat : la pyramide des âges se creuse par le bas.
Martinique : le futur département le plus âgé de France
En 2023, 33 % de la population martiniquaise avait 60 ans ou plus.
En 2030, ce chiffre atteindra près de 40 %.
Et en 2050, la Martinique deviendra le département le plus vieux de France avec 42,3 % de personnes âgées de 65 ans et plus.
Cette évolution s’accompagne d’une baisse marquée de la population :
entre 2014 et 2020, l’île a perdu 3 800 habitants par an en moyenne.
*Chiffre Insee
Guadeloupe : une transition rapide vers une société senior
En Guadeloupe, la part des 60 ans et plus est passée de 21 % en 2013 à 30 % en 2023, et devrait atteindre 36 % en 2030.
En 2050, l’archipel deviendra le 6ᵉ département le plus âgé de France, avec 37,7 % de personnes âgées de 65 ans et plus.
La population baisse également :
au 1ᵉʳ janvier 2023, la Guadeloupe comptait 375 845 habitants, soit une diminution de 2 600 personnes en un an.
*Chiffre Insee
Un vieillissement plus rapide qu’en France hexagonale
L’Hexagone n’atteindra 33 % de personnes âgées de 60 ans et plus qu’en 2050, soit 20 ans plus tard.
Les Antilles françaises sont donc en avance démographique – mais pas au sens positif du terme : elles expérimentent avant les autres les défis d’une société où les aînés deviennent majoritaires.
*Chiffre Insee
Pourquoi les personnes âgées vivent longtemps aux Antilles française ?
Il existe un effet culturel et environnemental :
Mode alimentaire traditionnel, moins transformé (même si cela change)
Climat favorable
Importance de la sociabilité : voisinage, églises, groupes culturels, etc.
La longévité n’est donc pas un hasard : c’est un pilier identitaire de la vie antillaise.
Les enjeux majeurs du vieillissement : un tournant social
Ce vieillissement accéléré pose des défis structurants :
1. Santé et dépendance
Pression croissante sur les hôpitaux, les services de soins à domicile et les EHPAD.
Besoin de développer des politiques d’autonomie, de formation d’aides-soignants, et de maisons intergénérationnelles.
2. Économie et emploi
Diminution de la population active → risque de fragilisation de la production locale.
Importance de développer des filières nouvelles (agroécologie, énergies, numérique, tourisme durable).
3. Aménagement du territoire
Dépeuplement de certaines communes rurales ou isolées.
Nécessité de repenser la mobilité, le logement et les services de proximité.
4. Transmission culturelle
Rôle important des anciens comme gardiens de la mémoire, des savoirs, du créole, de la musique, des rites.
Risque de rupture si le lien avec les jeunes ne se renforce pas.
Des retours… et une volonté de réinventer le pays
Malgré l’exode, un mouvement inverse émerge.
De plus en plus de jeunes, après avoir étudié ou travaillé à l’extérieur, reviennent avec :
une expertise
un réseau
une volonté de contribuer
une vision du développement local plus durable et plus autonome
Ils créent des entreprises, des projets agricoles, éducatifs, culturels, artistiques, numériques.
Ils cherchent moins à “partir réussir” qu’à revenir construire.
Ce mouvement pourrait devenir l’un des leviers majeurs de l’avenir.
La Guadeloupe et la Martinique traversent une transformation démographique profonde, héritée de l’histoire migratoire, de la structure économique et de la dynamique générationnelle.
Mais ce vieillissement n’est pas seulement un défi : c’est aussi un moment de recomposition, où le rôle des aînés, la créativité des jeunes et la mémoire collective peuvent devenir des forces.



