Ce que 2025 dit vraiment de la Caraïbe (et que peu de médias expliquent)
En 2025, la Caraïbe n’a pas seulement vécu une succession d’événements marquants. Elle a révélé quelque chose de plus profond, de plus structurant : sa place réelle dans le monde contemporain. Derrière les titres, les récompenses, les tensions diplomatiques et les exploits culturels, une même question traverse l’année : que devient la Caraïbe quand elle cesse d’être périphérique ?
Naosibes propose ici une lecture différente de l’année 2025. Non pas un simple récapitulatif, mais un décryptage. Car ce que la Caraïbe a vécu cette année dit beaucoup de ce qu’elle est en train de devenir.
1. Une Caraïbe toujours sous pression
L’année 2025 confirme une réalité persistante : la Caraïbe reste un espace sous contraintes. Pression économique d’abord, avec la question de la vie chère, les affaires liées au groupe Bernard Hayot, la publication tardive de ses résultats financiers et les mobilisations sociales qui rappellent la fragilité structurelle des économies insulaires.
Pression sanitaire et environnementale ensuite, avec le scandale durable du chlordécone et la reconnaissance judiciaire d’un préjudice moral d’anxiété, pendant que les sargasses continuent d’envahir les côtes caribéennes sans réponse structurelle à l’échelle régionale.
Pression enfin géopolitique et sécuritaire. En 2025, les États-Unis renforcent leur présence militaire dans la région, multiplient les sanctions, imposent des droits de douane à plusieurs États caribéens et mènent des opérations aériennes présentées comme des actions contre le narcotrafic. La Caraïbe demeure un espace surveillé, stratégique, rarement souverain dans les décisions qui la concernent.
2. Une Caraïbe qui dérange lorsqu’elle regarde ailleurs
2025 montre aussi que la Caraïbe devient problématique dès lors qu’elle diversifie ses alliances. Les menaces américaines visant les pays coopérant avec les brigades médicales cubaines illustrent une réalité ancienne : certaines solidarités restent tolérées, d’autres non.
À l’inverse, les rapprochements Afrique–Caraïbe prennent une ampleur inédite. Vols directs entre le Nigeria et les Caraïbes, visites officielles de chefs d’État africains, plateforme béninoise permettant aux Afro-descendants de demander la nationalité, ouverture de frontières par le Kenya à plusieurs pays africains et caribéens : ces gestes ne sont pas symboliques. Ils traduisent une volonté de reconnexion historique, politique et stratégique.
Dans ce contexte, l’intégration renforcée de la Martinique à la CARICOM apparaît comme un signal clair : la Caraïbe cherche à se penser comme un espace régional cohérent, et non plus comme une juxtaposition de territoires dépendants.
3. La culture caribéenne comme puissance mondiale
L’un des faits majeurs de 2025 réside dans la place prise par la culture caribéenne à l’échelle globale. Bad Bunny n’est plus seulement une star musicale : sa résidence historique à Porto Rico et sa désignation pour le show du Super Bowl font de lui un acteur central du soft power caribéen.
La reconnaissance du konpa comme patrimoine immatériel, l’explosion du Shatta, l’inscription des quadrilles de Guadeloupe au patrimoine culturel immatériel de la France, le succès de films comme Zion ou Fanon, et l’exploit de Fanny J remplissant seule l’Arena, montrent une culture qui ne cherche plus la validation, mais impose sa légitimité.
En 2025, la culture caribéenne ne divertit pas seulement. Elle raconte, elle affirme, elle résiste.
4. Une Caraïbe qui gagne et qui performe
Sur les scènes sportives, artistiques et intellectuelles, la Caraïbe a brillé tout au long de l’année. Zoé Saldaña devient la première actrice dominicaine à remporter un Oscar. Marcel Ravin inscrit la Martinique dans l’histoire de la gastronomie mondiale avec une troisième étoile Michelin. Les athlètes caribéens dominent les Mondiaux d’athlétisme de Tokyo, pendant que Shelly-Ann Fraser-Pryce tire sa révérence en légende.
Sur le plan économique, le Guyana incarne un changement de paradigme. Autosuffisant sur le plan alimentaire et désormais puissance pétrolière avec près de 900 000 barils par jour, le pays bouleverse les équilibres régionaux et attire toutes les convoitises.
Ces réussites ne sont pas anecdotiques. Elles montrent une Caraïbe compétente, structurée, capable d’exceller au plus haut niveau.
5. Mémoire, justice et récit
2025 est aussi une année de confrontation avec l’histoire. La création d’une commission mixte d’historiens franco-haïtiens, l’acceptation des excuses du roi des Pays-Bas par les descendants d’esclaves et les peuples autochtones du Suriname, ou encore les débats autour des statues déboulonnées en Martinique, montrent que la question mémorielle reste centrale.
Ce qui change, c’est le rapport de force. La Caraïbe ne demande plus seulement reconnaissance. Elle exige des actes, des réparations symboliques, des espaces de vérité.
Ce que 2025 annonce pour 2026
L’année 2025 ne marque ni une rupture totale ni un aboutissement. Elle agit comme un révélateur. La Caraïbe est plus visible, plus connectée, plus influente. Mais cette visibilité s’accompagne de tensions accrues, de tentatives de contrôle et de choix stratégiques décisifs.






